Débat : centralité, polarités et mobilités métropolitaines
Cette séance a permis de débattre des enjeux liés à la mobilité à travers les processus de métropolisation en s’appuyant sur quatre articles émanant de différents champs disciplinaires et proposant différents études de cas.
L’article du géographe Jean Ollivro, intitulé L’ambiguïté des gares (Les Annales de la recherche urbaine n° 71), 1988 a permis de mettre en avant :
⁃ La confrontation gares centrales / gares périphériques ;
⁃ Le rôle ambigu des gares, de par leur complexe interface de temporel, mouvement, arrêt ;
⁃ Le rôle de la gare au sein d’une entité urbaine, impliquant la dualité lien/rupture ;
⁃ La polarisation des espaces à différentes échelles induite par les gares.
L’article de l'architecte et chercheuse Corinne Tiry, intitulé Métropoles régionales et grande vitesse ; des projets de centralité multi scalaires dans gares et dynamiques urbaines, les enjeux de la grande vitesse, 2011 s’appuie sur la stratégie d’intégration de différents projets de gares situés à Barcelone, Rotterdam et Turin. Ce texte soulève les interrogations suivantes :
⁃ Comment une gare peut donner une dynamique à une ville ou à une métropole ?
⁃ Si l’on interroge les exemples présentés dans cet article avec le concept de centralité, on peut se demander comment le choix d’implantation d’une gare peut avoir un impact à plusieurs échelles et la relation entre ces 3 échelles ; locale, globale et de la métropole, voire à une échelle encore plus large, celle du pays ou de l’Europe.
L’article des géographes Valérie Facchinetti-Mannone et Cyprien Richer, qui s’intitule L’intégration territoriale des gares sur lignes à grande vitesse en France, 2011, nous amène à interroger le contexte d’implantation des gares, qui ne se réduit pas à un contexte proche mais davantage à des logiques de positionnement par rapport à d’autres points du réseau.
Un article des géographes Cyprien Richer et Pascal Bérion, intitulé Le rôle des grandes infrastructures dans la structuration des espaces régionaux : le cas de l’arrivée du TGV dans le réseau métropolitain Rhin-Rhône, 2011, analyse les recompositions territoriales qui sont à l’œuvre en vue de l’arrivée du TGV Rhin-Rhône. Le territoire destiné à être desservi par le TGV Rhin-Rhône traverse un espace qualifié d’intermédiaire mais présentant une accessibilité métropolitaine. A l’intérieur du triangle de 400 km de côté que constitue le réseau TGV Rhin-Rhone et Est, on trouve trois villes, Paris - Lyon – Strasbourg et Paris. L’intérieur du triangle constitue une périphérie de ce réseau métropolitain qui dessert cependant quelques villes situés sur les cotés du triangle. Dans ce projet, on remarque que l’obsession de la vitesse est devenue moteur du projet et que la grande vitesse a modifié le rapport à la mobilité et la territorialité de l’espace. Le projet de TGV Rhin-Rhône semble avoir fait émerger des réseaux de solidarité inter-régionale, même si le réseau semble davantage contribuer à renforcer la polarisation des grandes fonctions métropolitaines vers Paris plutôt que de favoriser la dispersion vers les métropoles régionales.
On retiendra de ces différents articles, que la décision d'implantation d'une gare TGV est le fruit de rapports de forces entre plusieurs acteurs (représentation territoriales gouvernementale, locales …) et c'est généralement celui qui pèse le plus lourd qui l'emporte.
L'effet TGV est un effet de cisaillement, l'ensemble du réseau TGV est pensé depuis Paris et les l'implantation des gares est au mieux un heureux accident vis à vis de la démarche globale qui ne cherche pas tant que ça à connecter le territoire
La relation entre la gare centrale ancienne et la nouvelle gare TGV est un gros impact sur la bonne (ou la mauvaise) réception de ces gares par les voyageurs. Malgré le temps que le TGV peut les faire gagner sur le temps de parcours, ils peuvent perdent énormément de temps pour se rendre à la gare TGV.
A travers ces articles, nous pouvons mettre en avant les thématiques suivantes :
L’enjeu de l’accessibilité au réseau métropolitain, avec le déplacement et l’accessibilité des voyageurs, mais aussi la problématique des flux. La dualité des gares « noramles » et des gares TGV créée un problème de desserte et de transport des flux de voyageurs. Les gares historiques, souvent implantées en centre ville sont en effet beaucoup plus facilement accessible que les nouvelles gare TGV implantées au milieu du territoire qu'elles traverse.
La gestion et l’articulation des temporalités, du voyage et des trajets. Bien qu'elles permettent de gagner du temps, le bilan horaire de ces gares TGV est souvent rogné par les navettes nécessaires pour atteindre ces points particulier du réseau. Quand la gare n'est pas implantée près d'une voie déjà existante elle rencontre d'énormes difficultés d'intégration dans le territoire (ex : gare lorraine TGV).
L’imbrication des échelles, locale, métropolitaine et globale (état/international). L'implantation de ces gares dépasse complètement le cadre local, pour trouver des justifications dans un plan national, voir international (exemple de la LGV Est qui a été créée pour relier Paris/Vienne). Les gares sont alors des conséquences locales d'un projet global, ce qui peut expliquer leur sérieux manque de relation avec le territoire qu'elle sont censées desservir. Les problèmes d'échelles ne sont généralement pas résolus lors de l'implantation d'une gare TGV, et l'arrivée de ladite gare dans telle ou telle commune relève plus d'une petite guerre territoriale locale (avoir une gare TGV reste un atout vis à vis de ses voisins) que d'un réel projet d'aménagement du territoire.
Les enjeux économiques : les économies générées et induites par ces gares sont généralement le facteur révélatif de la bonne (ou mauvaise) implantation de telle ou telle gare. Une mauvaise implantation nécessitera d'être « rattrapée » par tout un ensemble de mesure qui permettront une utilisation normale du lieu (navettes de transport, communication …) tandis qu'une gare déjà bien implantée saura trouver sa logique économique dans le territoire qu'elle impact.
A travers les notions et questions soulevées par les différents articles, les questions de centralité et de polarité sont développées dans la discussion.
La décision de l’implantation d’une gare TGV est posée d’emblée : qui sont les acteurs qui participent à l’arbitrage en faveur d’une implantation de gare TGV.
L’implantation peut se décider à l’échelle d’un pays, à l’échelle d’une collectivité locale ou territoriale, avec le partenariat du réseau ferré de France. Il s’agit aussi d’une question financière, en raison de la décentralisation.
Quelques fois, il y a des arbitrages qui n’en sont pas. Ce sont des sites qui ne dérangent personne, mais n’arrangent personne non plus : le choix par défaut est malheureusement possible quant à l'implantation de gares TGV !
En se penchant sur le cas particulier d’une gare TGV, on peut rapprocher la problématique de la mobilité et de la gare TGV avec la notion de la polarité/centralité et le processus de métropolisation.
Les questions suivantes sont ainsi soulevées :
Comment interroger la question de l’implantation de la gare TGV avec le processus de métropolisation ? Comment ces processus interagissent ? Comment se construit un réseau de déplacement, une polarité et un réseau de gares TGV par rapport au développement d’une métropole ?
Le choix du site d’implantation d'une gare et sa mise en réseau sont cruciaux. Cela a des conséquences sur la polarité/centralité et le processus de métropolisation, mais aussi sur la bonne réception de la gare par le grand public. Choisir des sites simples d'accès est primordial pour ne pas se retrouver avec un non-sens de l'ordre de la gare lorraine TGV.
Est-ce uniquement une question de flux ?
Certaines gares TGV comme la gare de Lille, Aix-en-Provence portent leur rôle dans la question de la métropole et métropolisation. La gare de Lille-Europe : exemple de polarité/centralité à l’échelle de l’Europe. Elle dessert l’Europe et Paris. Une gare implantée au centre ville a une forte polarité, génère des flux autour d’elle et elle dispose de ses services de proximité.
La discussion se poursuit également autour des postulats suivants :
Les gares TGV semblent constituer un moyen supplémentaire d’asseoir la toute puissance parisienne dans le territoire puisque dès qu'elles sont implantées les habitants se mettent à compter « en heure de Paris ».
Les LGV créent un effet tunnel, qui permet d'aller chercher très rapidement un point lointain du territoire sans irriguer les autres territoires traversés. La logique du déplacement du TGV revient davantage à relier A à B qu'à participer une construction du territoire plus homogène.
A découvrir aussi
- Résumé d'article : Corinne Tiry, Métropoles régionales et grande vitesse : des projets de centralités multi scalaires, dans Gares et dynamiques urbaines, les enjeux de la grande vitesse, 2011
- Résumé d'article : Valérie Facchinetti-Mannone et Cyprien Richer, L'intégration territoriale des gares sur lignes à grande vitesse en France : une approche typologique, 2011
- Résumé d'article : Cyprien Richer et Pascal Bérion, Le rôle des grandes infrastructures dans la structuration des espaces régionaux : le cas de l’arrivée du TGV dans le réseau métropolitain Rhin-Rhône, 2011