Approches radicales de la métropolisation - chantiers de recherche

Approches radicales de la métropolisation - chantiers de recherche

Généralités


Introduction générale au séminaire

Le séminaire « Villes et territoires, habitat et cultures » s’attache cette année à explorer et à étudier la notion de « métropolisation ». Cette notion, qui est née dans la Grèce antique, connaît depuis près d’une décennie une nouvelle jeunesse, puisqu’elle apparaît dans les travaux de recherche en économie politique, dans un sens proche de celui de globalisation[1], que dans les réflexions engagées par les « acteurs de la fabrication de la ville et des territoires ».

 

Moins fréquemment, la notion apparaît également dans les travaux de sociologues, qui se sont parfois attachés à comprendre l’ « individu métropolitain » ou l’évolution des groupes sociaux dans la métropolisation. La notion a été également durablement inscrite dans la pensée de l’urbain non pas comme concept d’analyse de certains phénomènes qui seraient dits « métropolitains » mais d’abord comme mot d’ordre ou dénomination s’attachant à des projets territoriaux[2]. Par ailleurs, si cette utilisation par les acteurs de la production de la ville et des territoires résulte partiellement du développement d’un marketing urbain qui s’accroche à des concepts « d’actualité » pour mettre en valeur ou en lumière certains territoires, il n’en demeure pas moins certain que le transfert du concept de métropolisation des sciences économiques et politiques  traduit aussi une prise de conscience d’un processus et son ingestion au cœur des politiques d’aménagement du territoire.

 

Dans le contexte français, la notion de métropole a un sens particulier, puisqu’il a traversé la période coloniale (où la métropole désignait la « France » en distinction des colonies et des protectorats), la planification gaullienne, sous l’égide de la DATAR (avec les « métropoles d’équilibre ») pour trouver semble t’il une nouvelle jeunesse de nos jours comme en témoigne son utilisation récurrente par les pouvoirs politiques tant à l’échelon national (et depuis juillet 2013, à un niveau législatif), qu’à un niveau local, avec différentes démarches de réflexion prospective engagées par les collectivités pour saisir le processus de « métropolisation ».

 

La réflexion engagée par le séminaire sur la métropolisation, tout inscrite dans une actualité qu’elle soit, doit s’appuyer sur un processus progressif qui se destine à l’établissement d’une critique, radicale, de cette notion et de son caractère opérant pour désigner des phénomènes territoriaux. Il s’agit par là, dans un premier de déconstruire le concept afin de bien déceler les apories qu’il contient dans le langage et les discours s’inscrivant dans le champ de l’urbanisme et de l’aménagement.

 

Dans un second temps, on confrontera ce concept à des territoires dits « métropolisés », en s’interrogeant sur la nature de ce processus dans ces territoires. L’objectif du séminaire est donc de réussir à définir cette notion et d’examiner son caractère opérant dans la compréhension des dynamiques spatiales auxquels le séminaire s’attache. La notion de métropolisation, semble en effet avoir été manipulée par les urbanistes (et les architectes) sans que le questionnement sur l’application de ce concept à certaines catégories de territoires et de phénomènes de transformation du territoire n’ait été totalement explorée. La métropolisation a été ainsi utilisée pour parler de territoires divers, souvent caractérisés par une forte attractivité économique (liée à leur taille ou leur rayonnement) induisant un développement démographique qui modifie leur inscription dans le territoire. A contrario, qu’en est-il des territoires où les processus sont distincts (par exemple Paris, dont la croissance démographique est faible pour une attractivité économique et un grand rayonnement) ou des territoires en décroissance économique et démographique ? Peut-on parler de ces territoires comme « métropolisés » ou métropolitains » simplement parce qu’ils s’inscrivent nécessairement dans ce processus global par ricochet ou des jeux d’interrelations ?

 

La mutation des territoires périurbains et ruraux, qui font l’objet d’études (parfois  visée prospective ou projectuelles) depuis plusieurs années dans le cadre de ce séminaire peut-elle être examinée à l’aune de la notion de métropolisation ? Il s’agirait par là de comprendre des interdépendances, des articulations territoriales mais bien davantage de saisir, par un cadrage territorial, une part du développement métropolitain et d’en comprendre l’inscription dans celui-ci : à partir de quel moment peut-on parler de territoire métropolisé ? Quelles sont ses caractéristiques physiques génériques ? En quoi ces caractéristiques viennent-elle se confronter aux concepts et notions mobilisés, notamment par les urbanistes, pour construire leur lecture des processus métropolitains ?  

 



[1] Notamment dans la mouvance des travaux de Saskia Sassen

[2] Dès 1910, dans certains des projets issus du concours pour le « Grand Berlin »


23/09/2013
0 Poster un commentaire

Le "Grand Paris" : des concepts et des visions de la métropole

Pour poursuivre l’approche de la métropolisation engagée dans le séminaire, les définitions proposées lors de la première séance ont été utilisées pour relire un corpus de documents de nature très différentes portant sur la démarche d’études et de prospective engagée à propos du « Grand Paris ».

 

L’objectif de cette journée d’étude était de confronter les définitions proposées et de les mettre à l’épreuve au regard des mots utilisés pour analyser et pour décrire les projets développés par les 10 équipes de la consultation internationale de 2008-09.

 

L’étude a consisté à confronter les discours (en s’attachant aux concepts, notions, principes qui s’y retrouvaient) aux propositions spatiales et aux territoires servant d’appui à des propositions qui mobilisent ces concepts. Le transfert d’un concept, nécessairement abstrait, dans le champ de l’urbanisme, discipline à vocation opérante, implique nécessairement un glissement ou une évolution du sens de ce concept. Ces glissements, transcodages ou transferts nous ont également intéressés car ils traduisaient aussi un processus de passage ou d’ancrage d’une notion dans une réalité spatiale, approchée, dans le cas du « Grand Paris », dans sa grande échelle.

 

Pour mener cette première approche, il a été choisi de travailler sur un corpus très réduit de documents :

- Une étude du PUCA, « Lecture des 10 projets du ‘Grand Paris’, analyses synthétiques et remarques transversales », réalisée sous la direction d’Olivier Gaudron, Marie-Flore Mattei, François Ménard, Nicole Rousier et Bertrand Vallet, paru en juin 2009.

- Une publication en supplément de la revue Paris Projet intitulée « Une petite synthèse du Grand Pari(s) de l’agglomération parisienne, réalisée par l’APUR et paru en mars 2009

 

- Un numéro hors-série de la revue AMC présentant une synthèse très illustrées des propositions et réflexions élaborées par les dix équipes dans la cadre de la consultation de 2008-09, publié en avril 2009

 

L’analyse de ce corpus s’est appuyée sur 7 mots-clefs issus des essais de définition réalisés au début du séminaire :

concentration / dispersion / hiérarchisation / mise en réseau / rayonnement / grande échelle / cohérence

 

Ces mots-clefs ne se retrouvent pas directement dans les documents, mais renvoient à d’autres notions utilisées à propos des démarches de projet du « Grand Paris ». La première étape de notre analyse a consisté à établir des « nuages  de mots », nous permettant de mettre en relation nos sept mots-clefs de départ avec les notions utilisées dans les documents.

 Métropolisation-grand paris-nuage de mots.jpg

"Nuages de mots" - 7 concepts et leurs avatars

 

La seconde étape de notre analyse a consisté à mettre en relation ces groupes de notions avec des projets et leurs visualisations ;

 

Les notions ont été regroupées en trois « paquets » :

-        concentration / dispersion

-        hiérarchisation / mise en réseau / cohérence

-        rayonnement / grande échelle

L’analyse de ces trois « paquets «  de notions s’est faite grâce à un tableau qui s’est progressivement complété des analyses croisées des différents groupes de travail.

 

Métropolisation-grand paris-tableau.jpg

Tableau d'analyse croisée des concepts et des projets
 

Eléments de conclusion :

Le débat qui a suivi la mise en place de ce tableau a permis de mettre en avant quelques impensés de la lecture « métropolitaine » de Paris à travers la démarche du « Grand Paris », tels qu’ils apparaissent dans le corpus de document étudiés :

 

-       Une simplification du discours économique à quelques idées reçues sur le développement, l’attractivité mondiale, l’ancrage local-global des questions agricoles et d’approvisionnement alimentaire, due probablement à la nature des documents étudiés, qui s’adressent à des professionnels de l’urbain et non à des économistes.

 

-       Une tension très forte entre des velléités égalitaristes (à travers des trames de transports, la création de valeurs, de polarités et de centralités dans les périphéries) et la recherche d’une polarisation du développement (à travers des corridors, des pôles de centralité…). La polarisation implique une inégalité des positions spatiales (sociales également pour établir un transfert direct entre lutte des places et lutte des classes, en partant du premier[1] ?)

 

-       Une tension local-global visible aussi dans la revendication d’une inscription dans la géographie du territoire parisien alors même que l’on s’attache à des phénomènes globaux : cette tension est utilisée comme un moteur de projet pour identifier des dynamiques et des secteurs à enjeux par les équipes d’urbanistes. Le recours à la géographie ne résulte t’il pas d’un repli identitaire face à des phénomènes mondiaux qui ont globalisés les processus et où la seule variable serait celle de leur inscription dans un déjà-là territorial, c’est-à-dire ce qui est résilient dans le territoire pour résister à certaines mutations (à plus ou moins brève échéance[2])

 

 



[1] Lussault M., De la lutte des classes à la lutte des places, 2009

[2] Lefebvre H.,  La production de l’espace, 1974


15/10/2013
0 Poster un commentaire

5 + 12 essais de définition de la métropole et de la métropolisation

Cinq textes émanant de différents auteurs et de différents champs théoriques ont permis d’engager la réflexion au sein du séminaire :

-        Deux textes de Michel Bassand, sociologue, professeur honoraire à l’EPFL Lausanne :

« Les six paramètres de la métropolisation », extrait de Bassand M., Les enjeux de la sociologie urbaine, PPUR, Lausanne, 2000 »

« Métropole et métropolisation », extrait de Bassand M., Métropolisation et inégalités sociales, PPUR, Lausanne, 1997

 

-        Un texte de Jean-Pierre Garnier, chercheur au CNRS :

« La métropolisation, stade suprême de l’urbanisation capitaliste », intervention à la Faculté des Sciences de l’Information, Université complutense de Madrid, 11 mai 2011

 

-        Un texte de Saskia Sassen, professeur de sociologie à l’université de Chicago et de sciences économiques à la London School of Economics :

« Introduire le concept de ville globale », paru dans la revue Raisons politiques, N° 15, Paris, Presses de Science po, 2004

 

-        Un texte de Martin Vannier, géographe, professeur à l’université Grenoble II, responsable scientifique du groupe de prospective « Territoires 2040 » :

« Campagnes périurbaines, la dispersion est-elle derrière nous ? », paru dans la revue Pour – revue du groupe de recherche pour l’éducation et la prospective, N°199, février 2009

 

-        Un extrait du dossier de candidature de la Commauté Urbaine de Strasbourg au label « Ecocité » :

« Strasbourg – métropole des deux rives »

 

Ces textes, de nature et de statuts différent, ont permis de construire des définitions synthétiques de ce phénomène, qui n’écartent pas les clivages ou points de débat entre les différentes approches théoriques et les champs disciplinaires auxquels ils se raccrochent.

 


 

12 X 2 essais de définitions (extraits)

 

Métropole :

« Centralité et périphérie mises en communs par différents réseaux et formant une entité. Aire urbaine qui étend son rayonnement en réunissant les différents fragment, sociaux ou spatiaux, qui la constitue. »

 

« Regroupement de territoires physiques et virtuels autour d’un centre (plus important) qui sont structurés par des fonctions des activités industrielles, tertiaires, des notions tel que l’économie, des infrastructures. »

«  Les métropoles ne sont pas différentes de la ville seulement pour leur taille, mais aussi pour les échanges qu’elles produisent : le commerce des marchandises, d'intérêts, les échanges virtuels ou physiques. La métropole est donc un lieu où le concept le plus important devrait être ‘opportunité’ »

 

« Une métropole est une ville paradoxale qui surpasse ses situation d’antan. Elle se construit et se reconstruit sans relâche. »

 

« La métropole est la ville centre ou la ville-mère autour de laquelle s’organisent des villes ou des territoires satellites. »

 

 

Métropolisation :

« Processus de création d'une métropole. Création d'un lien entre différents espaces d'une ville, réunissant les différentes parties d'un développement urbain pour étendre le rayonnement (spatial, politique, économique, démographique...) d'un pôle »

 

« Principe de développement, d’extension des métropoles, avec la mise en relation à l’échelle mondiale des différentes métropoles. »

 

« Elle peut être due à diverses causes, mais elle entraîne une augmentation de la population et /ou de l'importance d'une ville en particulier. »

 

« La métropolisation est le processus que subit la ville pour satisfaire les besoins et les demandes d’une population disparate parfois sans cohésion. » 

 

« La métropolisation est un processus de construction de territoires périphériques autour d’une ville centre ou ville mère. »


01/10/2013
0 Poster un commentaire

Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser